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#projet Kodama : Pourquoi dites-vous que la forêt ça fixe du carbone ?

Dernière mise à jour : 29 oct. 2018


Parce que la photosynthèse c’est son job de faire ça ! Dans les feuilles des arbres il y a des protéines dont le travail est de capter le CO2 de l’air. Grâce à l’énergie du soleil, les protéines peuvent casser des molécules d’eau et en récupérer des électrons qui seront utilisés pour faire fonctionner d’autres protéines de la feuille qui assemblent et collent entre eux les atomes de carbone venus du CO2 (cycle de Calvin). Au final dans les feuilles des arbres se produit une fixation de carbone gazeux, qui devient du carbone « solide » fixé dans la biomasse : le CO2 devient du sucre, des acides aminés, de l’ADN, de la cellulose, de la lignine etc… en bref : le carbone de l’air devient du bois !


OK ça c’est ce qui se passe la journée dans la feuille, mais moi je croyais que quand il faisait nuit l’arbre émettait du CO2, et que quand on arrivait à l’âge adulte de l’arbre il émettait autant de CO2 la nuit qu’il en fixait le jour et qu’en conséquence une forêt c’était carboneutre ?


Excellente remarque, en fait cette croyance date un peu et est toujours enseignée dans beaucoup (trop) d’écoles, mais elle est caricaturale grossière de ce qui se passe réellement. Et ce pour au moins 3 raisons pas forcément intuitives:

  • 1/Un premier élément de réponse (à l’échelle cellulaire et enzymatique): les processus de respiration (la nuit) et de photosynthèse oxygénique (le jour) ne se font pas à la même vitesse (les vitesses propres des deux réactions ne sont pas équivalentes), et les journées et les nuits n’ont pas non plus la même durée en fonction des saisons : l’été les journées sont longues et la température élevée ce qui favorise et accélère l’activité de la photosynthèse par rapport à l’hiver où les nuits rallongent et où la basse température diminue l’efficacité de la respiration (c’est une loi de la thermodynamique : plus la température est élevée (dans une certaine fourchette), plus la réaction chimique catalysée par les enzymes est rapide). De plus c’est toujours l’été quelque part sur le globe terrestre grâce à l’inclinaison de l’axe de rotation de la planète, à l’échelle globale il y a donc plus de zones avec une forte photosynthèse que de zone avec une forte respiration. Globalement donc, l’ensemble des forêts fixe toujours plus de CO2 qu’il n’en réémet par respiration.

  • 2/Un deuxième élément de réponse à une plus grande échelle : cette « croyance de la carboneutralité des forêts» est historiquement due à une généralisation d’un cas ponctuel sur une étude de seulement dix ans d’une petite parcelle et parue dans une publication scientifique de 1969. En 2008 des scientifiques de plusieurs équipes différentes ont voulu vérifier cette hypothèse communément acceptée de carboneutralité et ils ont combiné et analysé des données couvrant différents types de forêts de tous âges (forêts boréales et tempérées, agées de 15 à 800 ans) pour enfin pouvoir se faire une idée précise de la réalité du phénomène. Ces travaux publiés dans la revue Nature montrent que quel que soit son âge une forêt est toujours en train de fixer plus de carbone qu’elle n’en émet et c’est particulièrement plus vrai pour les plus vieilles d’entre elles.

  • « Hence, all three quantitative tests fail to support the hypothesis of carbon neutrality. The currently available data consistently indicate that carbon accumulation continues in forests that are centuries old. »

  • Il semble donc qu’entre 4 et 6 tonnes de Carbone soient fixés par an et par hectare en moyenne (la ligne noire du graphique).



Sources : Luyssaert et al. 2008 Nature

  • 3/Autre élément de réponse capital : la captation de CO2 par les sols et l’humus. Hors les Océans qui représentent 93% du carbone non atmosphérique (le gaz carbonique naturellement dissout dans l’eau et qui nourrit les algues), la majorité du carbone de notre planète se trouve être dans les sols. Il s’y trouve par la décomposition de la matière organique dans l’humus et le reste du sol (source : Rapport du GIEC 2001). Ainsi, dans les forêts, pour chaque carbone contenu dans la biomasse végétale il y en a au moins 1,3 carbone qui sont contenus dans le sol (Source : Inventaire forestier National #7 de mars 2005), c’est d’autant plus vrai que la gestion respectueuse des sols favorise le phénomène, par exemple en coupant les arbres sur pied (sans déraciner), et laissant les branches et feuilles sur place on maintient plus de carbone dans le sol qu’en arrachant l’arbre avec ses racines et débitant les branches ailleurs ; c’est encore plus vrai si on ne coupe pas les arbres ou si les terrains sont très humides ou irrigués. Dans ces cas les plus favorables, on peut avoir jusqu’à plus de 2 carbones stockés dans le sol pour 1 C stocké dans le bois.



Les sols de vigne et verger (30 tC/ha) et les terres arables (45 tC/ha) sont les plus pauvres. Les landes, forêts et prairies ont des stocks assez élevés, sensiblement identiques (de 60 à 70 tC/ha). Les pelouses d’altitude et les milieux humides sont les plus riches (95 tC/ha). Les zones de culture et de sols limoneux plus ou moins dégradés ont les stocks les plus faibles, tandis que les zones d’élevage et/ou de forêt ont des sols riches en carbone (fig. 5). Enfin, les régions aux climats froids et/ou aux sols gorgés d’eau en permanence (tourbières en altitude, marais littoraux) présentent les stocks à l’hectare les plus élevés . Les sols forestiers constituent d’importants réservoirs de carbone organique terrestres. En France, ils stockent 1 140 MtC, soit 79 tC/ha. La part de carbone s’y répartit approximativement comme suit :

– humus (dont la litière) : 11 % ;

– couche 0-10 cm : 47 % ;

– couche 10-20 cm : 28 % ;

– couche 20-30 cm : 16 %.

Hors litière, la différence de stock de carbone des sols sous feuillus et sous résineux n’est pas significative.

En forêt, le stock est fonction du climat, de l’essence, du type de sol et des pratiques de gestion des sols

(source : Inventaire forestier national #7 - mars 2005, rapport du GIEC 2001)

Cet aspect du stockage de carbone dans l’humus a d’ailleurs fait l’objet de plusieurs campagne de communication ces dernières années, pas particulièrement autour des forêts, mais principalement pour améliorer le bilan carbone des activités agricoles dans les champs (la campagne « 4 pour mille » – qui visait à modifier les pratiques des agriculteurs et exploitants agricoles pour qu’ils emploient des techniques qui perturbent moins la captation de carbone par les sols). Les activités humaines qui perturbent les sols favorisent la redissipation de ce carbone dans l’air sous forme de CO2 ou de Méthane). Pour que ce carbone reste dans le sol, il faut les perturber le moins possible.

Inventaire forestier national de mars 2005

https://inventaire-forestier.ign.fr/spip.php?article54




C’est pour ces 3 raisons que Néomerys affirme qu’il est possible de fixer beaucoup plus de CO2 en exploitant intelligemment les arbres, c’est-à-dire en ne les coupant jamais, en entretenant les forêts de manière à booster la capatation de CO2 par les arbres et le sol et en récoltant seulement une partie de la sève.


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